Dans le village Damorré situé à 5 km de la citée d’Agoua, une petite bassine de 10 litres d’eau nourrissait toute la population. Afin d’empêcher que la seule bassine sur laquelle reposait la vie du village tarisse, il fallait que chaque matin, entre 4h et 6h les plus jeunes retirent 5 millilitres pour chaque famille afin que tout le monde soit servi.
Le peuple de Damorré avait appris à survive avec « le petit cadeau de dieu », c’est le nom qu’ils attribuaient à la bassine. Un soir, alors que tout le monde était endormi, un jeune homme quitta le domicile de ses parents pour se rendre à la bassine. Il portait un récipient de 20 litres. Le vieux griot qui assurait la garde de la bassine le vit au loin et lui demanda “Il n’est que 2 h du matin. Pourquoi arrives-tu si tôt?” le petit lui répondit: “je vais à la source”. “Hélas nous n’avons plus de source”, répliqua le griot. Alors le jeune homme, très sûr de lui, s’écria : “je sais comment nous pouvons récupérer cette source”.
Le griot était surpris de constater que le petit Meruc savait que le village avait jadis une grande source bondée d’eau potable. Celle – ci leur avait été enlevée de façon mystérieuse après la visite de François, fils de la citée d’Agoua, au Roi Sardfish. François, le bon samaritain, semblait profondément attristé par le malheureux événement qu’il avait offert au roi Sardfish, deux bassines de 10 litres d’eau chacunes. Sardfish, par son immense gratitude, garda une bassine au palais et déposa l’autre bassine dans un lieu bien défini par François pour abreuver le peuple.
Lorsqu’il quittait le village, le visiteur François leur avait demandé de prier sans cesse afin que l’eau que contient la bassine ne tarisse jamais. Il leur avait appris qu’à travers la prière Jésus avait multiplié le pain et le poisson pour nourrir la foule dans le désert. Alors, à travers des prières intenses, ils peuvent multiplier ou augmenter la quantité d’eau contenue dans la bassine et même remplir plusieurs autres cuvettes.
Le petit Meruc avait une vision différente, il pensait autrement. Il savait que le seul moyen de récupérer la source c’était de détruire « le petit cadeau de dieu ». Il fallait vider cette bassine de ses eaux et la brûler afin que le peuple du village comprenne qu’il faut se battre pour récupérer ce qui leur avait été enlevé.
La grande cité Agoua (la cité des eaux) se trouvait à 5 km du village Damorré. Tout le monde en parlait mais personne n’avait eu l’idée d’y mettre les pieds. Ils s’étaient tellement familiarisés d’avec la petite bassine que le peuple se suffisait dans sa souffrance. La bassine de 10 litre était devenue leur seul repère. Chaque famille récupérait ses 5 millilitres par jour et s’en contentait. Damorré était aussi surnommé la ville du réveil. Des prières pour l’augmentation de l’eau présente dans la bassine étaient organisées toutes les 6 heures. Les plus sages avaient même ouvert un marché des eaux où ils vendaient à prix exponentielles, les millilitres qu’ils avaient économisés.
Cette nuit-là, le vieux griot empêcha Meruc de détruire la bassine car s’il le faisait, son peuple allait perdre tout espoir de vie et il serait mis à mort. Alors Meruc s’en alla. Il prit le chemin de la cité des eaux. Une fois sur place, il comprit ce que grand père Makto (surnommé le fou du village pour ses idées opposées à celles du Roi Sardfish) disait. La citée des eaux est alimenté par un tuyau, celui-ci déverse des milliers de litres chaque seconde. Il faut suivre le grondement du tuyau afin d’arriver à la source.
Meruc s’empressa de suivre le chemin que lui indiquait le bruit du tuyau, il hôta ses souliers et laissait juste la pomme de ses pieds lui montrer le chemin. Le bruit des eaux du tuyau le mena à la petite bassine.
Il était 4h du matin. Comme à leur habitude, chaque famille prenait 5ml d’eau dans la petite bassine. Meruc versa les millilitres qu’il reçut et s’empressa vers le récipient avec un bâton pour le détruire. Il fut arrêté, tabassé et mis au cachot. Très peu de personnes exprimaient la curiosité de comprendre le geste de Meruc. La plupart voulaient qu’il soit crucifié. “Avec toutes les personnes qui souffrent dans ce village, les 5ml de sa maman qu’il a versés pouvaient les sauver.”
“Oh! Ce bouffon, ce terroriste, ce porc, ce zélote tontinard. Il veut détruire notre village.” Disaient-ils remplis de haines.
Voyant qu’il allait bientôt mourir, le griot appela les jeunes curieux du village pour leur confier les clés de la porte du bassin. Il leur ordonna d’aller libérer Meruc et de détruire la bassine avec lui.
Le jeune Meruc détruisît « le petit cadeau de dieu ». Un bruit de torrent se fit entendre dans tout le village. Le bassin était en effet la clé qui bouchait l’ouverture de la source. La grande source de Damorré s’ouvrit et tout le village se précipita vers elle. La cité Agoua, le ville où François est né, épuisait ses réserves. Le peuple de la cité des eaux comprit que le village Damorré qui les alimentait pendant des siècles avait tout simplement arraché sa liberté. Le Roi Sardfish fut destitué après un demi siècle de mensonge. Et son trône glissa dans les mains du peuple souverain.
Afoumba Dolly, 29.08.2017 (la fille du colonisé)
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